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  • Les Délais de Paiement au Maroc : Les dispositions de la loi n°69/21

    Les délais de paiement ont subi une redéfinition significative avec la promulgation de la loi n° 69-21[1], modifiant les dispositions établies par loi 15-95 formant le code de commerce. Cette évolution législative promet d’améliorer le climat des affaires au Maroc en facilitant les échanges commerciaux et en renforçant la confiance entre les entreprises.

    Dans cet article, nous allons examiner les dispositions de la nouvelle loi sur les délais de paiement.

    Le champ d’application de la loi n°69-21

    Selon l’article 78-1 de la loi 69-21, les commerçants doivent préciser, avant toute transaction et à la demande, un délai de paiement dans les conditions de paiement pour la rémunération des transactions commerciales.

    Lesdites conditions doivent être notifiées par tous les moyens prouvant la réception.[2]

    Les dispositions de la loi sur les délais de paiement concernent :

    • Les commerçants qui disposent d’un siège social, d’un domicile fiscal ou d’un établissement au Maroc;
    • Les délégataires privés de services publics et les établissements publics, pratiquant habituellement les activités commerciales mentionnées dans le code de commerce..

    N.B : les dispositions de la loi ne s’appliquent pas aux transactions réalisées avec les personnes non-résidentes qui ne disposent pas au Maroc s’un siège social, d’un domicile fiscal ou d’un établissement.

    Il est à noter que les entités avec un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 2 millions de dirhams sont exclues de cette loi..

    Les délais de paiement 

    1. Délais de paiement réduits, entre 60 jours et 120 jours :

    Si aucun délai de paiement n’est convenu, il est fixé à 60 jours dès l’émission de la facture. Si convenu, il ne peut excéder 120 jours.

    À cet effet, il faut préciser que le délai de paiement de 120 jours est un délai maximum. Néanmoins si les parties conviennent d’un délai inférieur, les factures doivent être payées dans le délai qu’elles ont convenu.[3] .

    • Délais de paiement exceptionnel, de 180 jours :

    Exceptionnellement, un délai de 180 jours peut être établi par décret pour certains secteurs spécifiques ou saisonniers, suite à l’avis du Conseil de la Concurrence et sur la base d’études objectives analysant les données de chaque secteur et leurs spécificités saisonnières.

    La date de facturation et le calcul des délais de paiements[4]

    La facture doit être émise au plus tard à la fin du mois de livraison des marchandises ou de réalisation des prestations. En cas de retard, le délai de paiement débute à la fin de ce mois. 

    Lorsque les parties conviennent de transactions commerciales mensuelles (comme pour les contrats d’eau, électricité, téléphone, internet, location), les délais de paiement débutent le premier mois suivant les transactions.

    À cet effet, il faut noter que le délai de paiement est à calculer à compter de la date d’émission de la facture au lieu de la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation dans l’ancien texte de loi.

    N.B : Pour les personnes du droit publique prévues le délai de paiement court à compter de la date de l’exécution de la prestation.

    L’Obligations de déclaration 

    Selon l’article 78-4 de la loi 69/21, les entités avec un chiffre d’affaires supérieur à 2 millions de dirhams HT doivent déposer une déclaration trimestrielle à la Direction Générale des Impôts, même sans factures impayées.

    La déclaration, à soumettre avant la fin du mois suivant chaque trimestre, doit inclure l’identification de l’entreprise, la période de référence, le chiffre d’affaires HT, le total TTC des factures impayées, le total des factures payées à temps, et les amendes.

    Les entités avec un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions de DH HT doivent fournir une attestation de commissaire aux comptes, tandis que celles en dessous de ce seuil doivent présenter une attestation d’un expert-comptable ou d’un comptable agréé.

    Les sanctions prévues par la loi 69/21 

    Les sanctions prévues par la nouvelle loi sont divisées en deux catégories :

    1. Sanctions pour les retards de paiement :

    L’ancienne loi prévoyait le versement d’une indemnité de retard par les contrevenant aux délais de paiement au profit des commerçants non payés dans les délais. 

    La loi 69/21 a abrogé et remplacé cette disposition en instituant une amende pécuniaire au profit du trésor. En cas de non-respect des délais de paiement, des intérêts de retard seront automatiquement appliqués et seront calculés sur la base du taux directeur de Bank-Al-Maghrib.

    En cas de retard supplémentaire d’un mois ou d’une fraction de mois, une majoration de 0,85% sera appliquée.

    Tableau récapitulatif des sanctions

    DélaiTaux
    1er mois de retardTaux directeur de Bank Al Maghrib
    Chaque mois ou fraction de mois de retard supplémentaire0.85 %

    N.B : Conformément aux dispositions de l’article 78-3, les factures litigieuses ayant fait l’objet d’un recours judiciaire ne donnent pas lieu à l’application de l’amende précitée tant que l’affaire n’a pas fait l’objet de jugement. Cependant, une fois le jugement définitif prononcé, l’amende précitée doit être payée au Trésor.

    • Sanctions pour défaut ou retard dans la déclaration :

    La loi prévoit des sanctions en cas de retard ou de non-dépôt de la déclaration trimestrielle précitée. Il en est de même en cas de non-paiement de l’amende.[5] Ces sanctions visent à assurer la conformité des déclarations et sanctionner les comportements dilatoires.

    Tableau récapitulatif des sanctions

    Chiffre d’affaires annuel HT (en Dirhams)Montant de la sanction (en Dirhams)
    2.000.000 < CA ≤ 10.000.0005.000
    10.000.000 < CA ≤ 50.000.00012.500
    50.000.000 < CA ≤ 200.000.00050.000
    200.000.000 < CA ≤ 500.000.000125.000
    500.000.000 < CA250.000

    Source : note circulaire n° 734 relative aux dispositions de la loi 69/21.

    N.B : lorsque la déclaration est incomplète, une amende de 5.000 dirhams est appliquée sur chaque facture manquante ou contradictoire.

    Le règlement des litiges

    Conformément aux dispositions de l’article 78-9 de la loi 69/21, les personnes contestent tout ou partie des sommes exigibles au titre des amendes mises à leur charge doivent adresser une réclamation au ministre chargé des finances ou à la personne déléguée par lui à cet effet, dans un délai de six (6) mois qui suit le mois de l’émission de l’ordre de recettes.

    Si la personne concernée n’accepte pas la décision rendue par l’administration ou à défaut de réponse de celle-ci dans trois (3) mois qui suivent la date de la réclamation, elle peut saisir le tribunal compétent dans les deux mois suivant la date de la notification de la décision ou de l’expiration du délai de trois (3) mois visé ci-dessus.

    En conclusion, les délais de paiement au Maroc représentent un défi majeur pour de nombreuses entreprises. Cependant, il est important de se rappeler qu’il existe toujours des solutions juridiques disponibles pour résoudre les conflits qui en découlent.


    [1] La loi n° 69-21 modifiant la loi n° 15-95 formant code de commerce et édictant des dispositions particulières relatives aux délais de paiement. (Version en arabe publiée au BULLETIN OFFICIEL n°7204 du 15 juin 2023)

     

    [3] Note circulaire n° 738 relative aux dispositions de la loi n°69-21 modifiant la loi n°15-95 formant le code de commerce et édictant des dispositions transitoires particulières aux délais de paiement.

    [4] Article 78-2 de la loi 69/21 relative aux délais de paiement

    [5] Article 78-6 de la loi 69/21.

  • Transfert des Données à Caractère Personnel

    du Maroc à l’Etranger _

    Le traitement des données à caractère personnel est soumis à une réglementation précise qui vise à protéger les personnes concernées et à encadrer les obligations des responsables de traitement. Au Maroc, c’est La Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel (ci-après : « CNDP ») qui est chargée de vérifier que les traitements des données personnelles sont licites, légaux et ne portent pas atteinte à la vie privée, aux libertés et droits fondamentaux de l’homme.

    Ainsi, tout responsable de traitement se doit de communiquer à la CNDP toutes les informations relatives à la nature des données collectées, à la destination, au type de traitement etc…

    En effet, chaque responsable de traitement doit notifier tout transfert à l’étranger, et ce, selon les modalités prévues au Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données àcaractère personnel.

    Il s’agit donc de notifier la CNDP – déclaration ou demande d’autorisation – en cas de stockage ou d’hébergement des données sur des serveurs situés hors territoire national. 

    NB. La CNDP n’autorise le transfert à l’étranger d’un fichier de données personnelles que lorsque le traitement sous-jacent a fait l’objet d’une demande de déclaration ou d’autorisation approuvée par la CNDP.

    De plus, l’article 43 de la loi 09-08 dispose que « Le responsable d’un traitement ne peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat étranger que si cet Etat assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet ou peuvent faire l’objet. »

    La CNDP apprécie ce caractère en fonction des dispositions en vigueur dans chaque Etat, de ses mesures de sécurité, des caractéristiques propres du traitement telles que ses fins et sa durée, ainsi que de la nature, de l’origine et de la destination des données traitées. 

    Par conséquent, et après examen de la CNDP, cette dernière a établit une liste par le biais de la Délibération n°236-2015 du 18 Décembre 2015 portant modification de la délibération n°465-2013 du 06 Septembre 2013 citant les Etats assurant une protection suffisante de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Et ce, comme suit : 

    Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Canada, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.

    Toujours dans le cadre de la protection et du contrôle des droits des personnes concernées, la CNDP a veillé à instaurer des conditions de transfert à l’étranger pour les pays ne figurant pas dans la liste mentionnée ci-dessus. En effet, l’article 44 indique que le responsable de traitement peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat ne répondant pas aux conditions citées à l’article 43, dans les cas suivants :

    • Quand la personne concernée a donné expressément son consentement au transfert.
    • Si le transfert est nécessaire :
    • À la sauvegarde de la vie de la personne concernée ;
      • À la préservation de l’intérêt public ;
      • Au respect d’obligations permettant d’assurer la constatation, l’exercice ou la défense d’un droit en justice ;
      • À l’exécution d’un contrat entre le responsable du traitement et la personne concernée ;
      • À l’exécution d’un contrat, dans l’intérêt de la personne concernée, entre le responsable du traitement et un tiers;
      • À l’exécution d’une mesure d’entraide judiciaire internationale ;
      • À la prévention, le diagnostic ou le traitement d’affections médicales.
    • En application d’un accord international auquel le Maroc est partie ;
    • Sur autorisation expresse de la CNDP si le traitement garantit un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes, notamment en raison des clauses contractuelles ou règles internes d’entreprise dont il fait l’objet.

    Finalement, l’article 60 énonce que quiconque vient en violation des dispositions des articles 43 et 44 de la loi 09-08, à savoir le transfert de données à caractère personnel vers un Etat étranger sans notification préalable, peut être puni d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 20.000 à 200.000 DH ou de l’une de ces deux peines seulement.