La concurrence déloyale
La concurrence déloyale est une notion qui n’est pas définie légalement, cependant on peut la définir comme étant une manifestation d’agissements fautifs, illicites et contraires à la moralité des affaires et aux promesses contractuelles prises en matière de concurrence. En d’autres termes, cette notion regroupe de manière assez générale tous les actes qui ne correspondent pas à une concurrence saine.
Ces comportements fautifs peuvent émaner de professionnels, d’entreprises ou encore de salariés à l’égard d’autres professionnels ou d’entreprises ayant subi un préjudice dans leurs activités économiques.[1]
Il est à noter que la notion de concurrence déloyale est contraire à la libre existence du commerce dans les relations commerciales.[2]
En réalité, ce n’est ni la concurrence elle-même, ni les conséquences qui en résultent, qui sont considérées comme fautives, mais les instruments et moyens utilisés par le concurrent qui sont répréhensibles.
Pour ce qui est des actes qui donnent lieu à l’action en concurrence déloyale, ces derniers ont été classés par certains auteurs en trois catégories, à savoir : les manœuvres de confusion, les manœuvres de dénigrement et les manœuvres de désorganisation[3].
La réglementation marocaine en matière de concurrence déloyale
Tout d’abord, l’article 84 du Code des Obligations et Contrats promulgué par le Dahir du 12 Août 1913 (le « D.O.C ») commence par énumérer certains faits qui peuvent être considérés comme concurrence déloyale et prévoit donc que : » Peuvent donner lieu à des dommages-intérêts les faits constituant une concurrence déloyale et, par exemple :
1° Le fait d’user d’un nom ou d’une marque à peu près similaire à ceux appartenant légalement à une maison ou fabrique déjà connue, ou à une localité ayant une réputation collective, de manière à induire le public en erreur sur l’individualité du fabricant et la provenance du produit ;
2° Le fait d’user d’une enseigne, tableau, inscription, écriteau, ou autre emblème quelconque, identique ou semblable à ceux déjà adaptés légalement par un négociant, ou fabricant, ou établissement du même lieu, faisant le commerce de produits semblables, de manière à détourner la clientèle de l’un au profit de l’autre ;
3° Le fait d’ajouter au nom d’un produit les mots : façon de…, d’après la recette de…, ou autres expressions analogues, tendant à induire le public en erreur sur la nature ou l’origine du produit ;
4° Le fait de faire croire, par des publications ou autres moyens, que l’on est le cessionnaire ou le représentant d’une autre maison ou établissement déjà connu « .
Ensuite, les articles 184 et 185 de la Loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle promulguée par le Dahir du 15 février 2000 (ci-après : « La loi 17-97 »), viennent aussi définir ce que peut constituer un acte de concurrence déloyale en interdisant les actes suivants :
« 1° Tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité́ industrielle ou commerciale d’un concurrent ;
2° Les allégations fausses dans l’exercice du commerce de nature à discréditer l’établissement, les produits ou l’activité́industrielle ou commerciale d’un concurrent ;
3° Les indications ou allégations dont l’usage dans l’exercice du commerce est susceptible d’induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la quantité́ des marchandises ».
Par ailleurs, ces faits de concurrence déloyale ne donnent lieu qu’à une action civile en cessation des actes qui la constituent et en dommages intérêts, conformément à l’article 185 de loi 17-97.
De son côté, la loi 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence promulguée par le Dahir n° 1-00-225 du 5 juin 2000 (ci-après « loi 06-99 »), évoque les principales pratiques anticoncurrentielles, que l’on va placer sous l’égide de la « concurrence déloyale « .
Effectivement, elles sont de trois sortes et sont susceptibles d’altérer les mécanismes du marché : les ententes, l’abus de positions dominantes, l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique.
En outre, la loi 06-99 a également introduit un dispositif de contrôle des opérations de concentration économique susceptibles de porter atteinte au marché.[4]
L’action en concurrence déloyale
La loi marocaine ouvre la voie judiciaire à toute personne ayant constaté des agissements pouvant se rapporter à une concurrence déloyale.
En effet, cette action en concurrence déloyale, qui est naturellement portée devant le tribunal de commerce, est une action en responsabilité civile, nécessitant une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux.
- La faute : Le demandeur doit prouver l’existence d’une faute qu’on peut définir comme tout acte contraire aux usages du commerce, traduisant un excès dans l’utilisation de la liberté du commerce et de l’industrie. De plus, la simple usurpation est fautive ainsi que la confusion ou sa simple recherche.
NB: L’intention de nuire n’est pas obligatoire, une simple négligence suffit (comme par exemple avoir une vitrine de magasin ressemblant à celle d’un concurrent voisin).
- Le préjudice : Par ailleurs, l’existence d’un dommage ne suppose pas forcément l’existence d’un préjudice qui peut parfois n’être qu’éventuel. En effet, la responsabilité civile délictuelle en matière d’agissements déloyaux, répare le simple dommage qui pourrait engendrer un préjudice pour la victime à cause d’une perturbation du marché.
Le dommage en question se caractérise, parfois, par une perte de clientèle qui elle-même se traduit par la baisse du chiffre d’affaire – Il importe peu que cette perte de clientèle ait profité ou non à l’auteur de l’acte délictueux -.
Si on prend l’exemple d’un cas d’imitation ; pour que ce dernier puisse être qualifié d’acte de concurrence déloyale, il faut que l’ensemble des critères soient remplis à savoir : qu’il existe un risque de confusion, que l’organisation ou que les installations d’origine présentent une certaine originalité et enfin qu’il existe une situation de concurrence.[5]
Par exemple, le fait que la similitude entre deux produits aussi bien au niveau de leur prononciation que par écrit, serait de nature à induire le public en erreur sur la personne du fabricant, est considéré comme une faute.
C’est ainsi qu’un arrêt de cour de d’appel de Casablanca[6] , a reconnue qu’en matière de concurrence déloyale, il est tenu compte non pas des aspects de dissemblable, mais de ressemblance qui peut induire le public en erreur sur le produit et lui faire croire qu’il achète un produit déterminé alors qu’il en achète un autre.
- Lien de causalité : il revient également au demandeur d’établir que le préjudice qu’il invoque a bien été causé par les agissements répréhensibles commis.
Il convient de noter que cette action en responsabilité civile se traduit par le versement des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Ainsi, sera seul indemnisé, le préjudice certain et direct en déterminant quels sont les pertes subies et le gain manqué.
Les Sanctions
L’acte de concurrence déloyale est sanctionné par l’attribution de dommages et intérêts au demandeur qui peut être accompagnée de mesures complémentaires.
A cet effet, le juge va apprécier au cas par cas la situation et déterminer le montant du dédommagement en fonction de la durée et de la fréquence des agissements déloyaux.
Outre le versement de ces dommages et intérêts, l’action en concurrence déloyale peut permettre au demandeur d’obtenir la cessation des agissements déloyaux qui se traduit par, le retrait d’une publicité, la destruction de produits ou encore par l’interdiction de vente des produits.
A titre d’exemple : en matière d’imitation de produits, le tribunal peut interdire de vendre les produits litigieux. De même, en matière d’homonymie, le tribunal peut ordonner que soient ajoutées au nom de l’homonyme les précisions nécessaires pour mettre fin à la confusion.
Par ailleurs, une décision du juge ordonnant la cessation des actes de concurrence déloyale est fréquemment assortie d’une astreinte qui consiste en un versement d’argent (montant fixé par le juge) par jour de retard dans l’exécution d’une décision.
[1]www.artemis.ma/global-search-results (Page consultée le 9 Octobre).
[2] Mohammed Drissi Alami MACHICHI, « Concurrence droit et obligations des entreprises au Maroc », édition Eddif 2004, page 37.
[3]Pierre Bourbonnais, « L’action en concurrence déloyale en droit canadien et en droit québécois, thèse de maîtrise en droit », Université de Montréal, 1979, page 40.
[4]www.artemis.ma/global-search-results (Page consultée le 9 Octobre).
[5] Ibid.
[6] Arrêt de Cour d’appel de Casablanca, n° 1684/2002, Dossier n° 2220/2001/14.